Salle de communication

Les journées se ressemblent comme elle se différencient. Vivre entre des murs uniformes n'a jamais réellement été l'un de mes passe-temps favoris et cela se sent bien évidemment. Cependant, j'essaie de le cacher au mieux derrière un sourire fin et un voix rassurante. Rien ne sert de créer de la morosité, au vue de la situation... Tout le monde doit broyer du noir, alors autant passer outre sa peine et essayer de rassurer les autres. Un peu de légèreté est toujours bon à prendre.

Soupirant un coup, je daigne enfin me lever de mon lit. Déjà réveillé, lavé et nourris depuis quelques heures maintenant, je n'attendais alors simplement que leur arrive. C'est avec un boule dans l'estomac que je me dirige vers mes affaires, attrapant quelques dossiers ainsi que ma tasse. Buvant le fond de thé froid trônant en son sein, je me met en marche vers le réfectoire. Possédant mes propres restes de thé, il ne s'agissait là que de récupérer un thermos d'eau chaude. Les habitudes peuvent s'avérer avantageuses. Les membres de l'équipe de cuisine me laissant toujours un petit thermos salvateur dans un coin d'une des plaque en inox. Je n'ai, d'ailleurs, jamais vraiment compris pourquoi certaines personnes s'ornent de tant d'orgueil vis à vis des "castes" du bunker. Comme si certaines sont plus légitimes ou importantes que d'autres. C'est peut-être pour cette aversion à la stupidité que je me suis lié d'amitié avec plusieurs d'entre eux. Je les informe de quelques petits ragots et ils me font ces petits cadeaux. Et encore, il s'agit simplement d'eau chaude. Mais bon, dans un bunker sous-terre en période apocalyptique... L'on se satisfait de la moindre attention me direz-vous.

Après de longues minutes de marche, un thermos et salves d'escaliers plus tard, je me trouve alors devant un sas bien familier. Jetant un oeil sur ma montre, j'observe l'heure et lâche un vague soupir. M'étant donné quelques dizaines de minutes d'avance, je m'offre le luxe d'entrer avec une certaine lenteur. Pour le moment seul dans la pièce à l'odeur caféinée, j'oublie volontairement la présence des caméra et, après avoir déposé mon monticule sur mon bureau, je me laisse aller à une petite séance d'étirements. Au vu de la situation et de la mission.. Je vais surement rester assis assez longtemps. Loin de moi l'envie de me plaindre, les Outsiders vont passer un moment bien plus difficile que de rester assis sur un fauteuil au confort relatif. Entendant le sas s'ouvrir, je ferme les yeux et termine ma petite séance en saluant mes deux collègues que je reconnais au pas lourd et me dirige vers mon bureau. Une grande inspiration prise, je met un peu d'ordre dans les divers dossiers, numériques comme manuscrits, et allume un à un les écrans ornant mon panneau de travail.

Derrière moi, j'entends à nouveau le sas s'ouvrir et jette un bref coup d'oeil en arrière afin d'en comprendre la teneur. Je reconnais alors vaguement les traits de la jeune femme. N'ayant pas spécialement travaillé avec elle, je ne peux me rappeler de son nom mais je me souviens très faiblement de son histoire. Blessée à l'extérieur, elle se retrouve coincée dans le bunker le temps de sa convalescence. Reste à savoir le meilleur destin entre risquer sa vie ou rester enfermé comme un animal en cage. Enfin..
Ne souhaitant pas la déranger plus que de mesure, je me contente de la saluer d'un mouvement de tête et d'un sourire. Après tout, si elle se trouve là, c'est bel et bien pour suivre une mission et non pour que l'on se penche sur son côté. A défaut de savoir si elle en avait reçu l'autorisation, je ne me porte pas garant d'elle et reste dans mon coin afin de profiter des derniers temps pour me remémorer des détails de l'ordre du jour. Bien que je ne sois pas l'unique opérateur pour un mission de cette ampleur, je préfère ne pas me reposer sur mes collègues et pouvoir me débrouiller seul. Après tout, eux mêmes se reposent sur moi et passent le plus clair de leur temps à passer de stupides paris dénués d'humanisme. Bien que je déteste cet amusement et que j'exècre ce genre d'individu, je leur laisse leur liberté. Chacun devant gérer son stress... Certains se focalisent sur les autres, d'autre tournent tout au ridicule. Mais dans le fond, je pense que tout le monde à peur.

Plongé dans les différents dossier où trône une photo de chaque membre de l'escouade envoyée sur place, je me perds dans le temps et ne réalise pas tout à fait le temps que j'y passe. Uniquement réveillé par la sonnerie de mon bipeur, je me redresse de ma lecture et éteint l'appareil. Faisant craquer mes doigts, je place mon oreillette correctement et vérifie l'efficacité du micro en l'orientant vers ma bouche. Fin prêt, je fais glisser mon doigt parmis les différents post-it et finit par en tapoter un du bout du doigt. Répliquant alors le code en question, j'active les différentes séquences nécessaires aux appareils pour se calibrer sur les réseaux concernant la mission. Activant en premier lieu la radio, j'effectue un léger test en l'allumant deux fois d'affilé, laissant le temps au leader d'effectuer la même action pour nous assurer tous les deux que nous sommes en phase. Une fois la chose faite, je trie les quelques dossiers présents et lâche un petit soupir en apercevant l'un de mes brouillons. Un vague sourire au lèvre, j'observe la feuille de papier devenue plus grise que blanche. N'utilisant que des crayons dans le but de réduire au maximum ma consommation de feuille, je met un point d'honneur de ne pas gaspiller de papier, au point de transformer une feuille blanche en cimetière à gomme. Aussi, dans un aspect de coquetterie idiote, j'ai pris l'habitude de dessiner directement sur le murs, dans les interstices de mes écrans, de simples petits dessins sans prestige. Chacun sa méthode pour souffler un coup après tout.

Attrapant quelques pincées de thé que je met dans un infuseur de fortune, je verse une lampée d'eau chaude dans ma tasse et profite de la chaleur de celle-ci en plaquant mes paumes dessus. Coudes sur le bureau, j'aurais pu ressembler à toutes ces publicités où les personnes se retrouvent devant un feu de cheminée. La nuance étant que mon feu est un mur d'écran où le destin du Bunker va sûrement se jouer sans que je ne puisse réellement y faire grand chose. Opérateur, le travail ingrat et pourtant parfois salvateur. Sans honneur ni impact direct la plupart du temps. Mais il faut de tout pour faire un monde.

Sous mes yeux et sous ceux de la caméra du Lieutenant Holden, j'observe et analyse les actions. La mâchoire serrée et les doigts crispés parfois, je tâche de rester concentré et focalisé sur ma tâche. Si l'escouade à le droit d'être aveuglée par le feu du combat, l'on se doit de rester aux aguets pour eux.

"Lynch, t'es d'India toi aussi, nan ? Tu t'en charges ?"

Les yeux rivés vers mes écrans, je laisse cependant mon esprit écouter mes collègues. Peut-être ont-ils eu une bonne idée. Tout du moins, une façon sympathique de lui donner l'illusion d'être utile. Les Outsiders vivent souvent assez mal le fait d'être mis sur la touche.

"Leader India, ici Twenty One, nous vous recevons parfaitement. Vos premières impressions sur la situation ? Et "c'est la merde." n'est pas une réponse acceptable. À vous."

Un léger rire s'échappe de mes lèvres, rien de médisant évidemment. Un simple rictus soulagé. Elle garde l'humour visiblement, plutôt bon signe. Cependant, la stupidité de mes collègue annihile mon sourire lorsque je les entends ironiser sur les possibles pertes actuelles. Cependant, avant que je ne puisse commenter la chose, j'entends la femme se rebiffer violemment et les menacer à peine officieusement de les exiler. De l'humour et de la répartie.. On peut en faire quelque chose.

Soupirant, je viens à aller chercher une des chaise sur roulette disposée vers l'un des poste inutilisé et l'amène près de mon bureau tout en invitant la femme d'un bref signe de tête. Un bref regard vers mes deux comparse leur intimant de retourner au travail sous peine de joli petit rapport, je me réinstalle avec une certaine douceur. Me massant légèrement la nuque d'une main tout en fouillant mon bureau de l'autre, je récupère une seconde oreillette. Un peu plus "rustique" que l'autre mais toujours en parfait état, je l'aide à l'installer correctement avant de faire les quelques vérifications de base. Autant éviter qu'elle n'entende que de la neige. Fin prêts, je me retourne à nouveau vers les écrans et laisse mes mains agir librement, jouant avec le thermos, une nouvelle tasse et infuseur.

"Désolé pour le duo. Ils ne sont pas méchants, juste un peu sous pression."

Lui tendant une tasse de thé fraîchement infusé, je lui adresse un bref sourire avant de replacer mon attention vers les écrans. La réponse du Leader d'India se faisant, je laisse à la jeune femme le temps d'assimiler l'information et reprend la parole.

"Si cela ne te dérange pas, je vais te tutoyer. C'est ma façon à moi de dédramatiser le présent. Je suis Gabriel, tu peux m'appeller Gab' ou Gaby. Je ne suis pas très pointilleux là dessus. Et toi ? Et sinon, profites, c'est du vrai thé anglais."

Un nouveau sourire se place sur mes lèvres tandis que celles-ci s'ornent d'une tasse fumante. Buvant une lampée, je grimace légèrement en apercevant l'explosion dûe à l'ouverture du bunker par la mécanicienne.

"Si tu as besoin de les contacter, tu appuies sur ce bouton là. Enfonces bien car l'appareil que tu as es sûrement aussi vieux que nous. Mais j'ai que ça sous la main. Et je doute que mes collègue apprécient que je leur racket leur matériel."

L'acte fait, je dépose ma tasse et fronce les sourcils. Attiré par un mouvement anormal, j'amplifie le son de nos oreillettes et place la caméra du leader en gros plan, écrasant momentanément les données annexes au profit d'une meilleure visibilité. Grinçant légèrement des dents, j'aperçois avec désarroi l'échec presque lamentable du surnommé "Geek" avant de laisser mes yeux divaguer vers le ciel lorsque celui-ci arrive à se lancer des fleurs en dépit de son raté. Massant ma tempe, je tourne ma tête vers la femme et lui offre un sourire atterré.

"Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué après tout."

Me raclant la gorge, je me prépare mentalement bien que je sois pas porteur de mauvaise nouvelle. Lentement, je porte ma main à mon oreille et active le mécanisme avec une douceur mesurée. Grésillant pendant quelques courtes secondes, le calme revient tandis que ma voix teinté de mon accent anglais reconnaissable se porte aux oreilles du Lieutenant Holder.

"Okay Cowboy.. On reste concentré et on évite de tuer le magicien..."

Marquant une pause, je laisse le temps au leader de se faire à l'idée et de se souvenir potentiellement de qui je suis. La communication toujours enclenchée, je reprends avec une voix douce sans pour autant être mielleuse.

"Je te rappelle que j'accroche des post-it sur les murs pour me souvenir des commandes de calibrage alors je ne pourrais pas t'aider si tu flingues le seul qui sait lire du binaire ou quoi que ce soit."

Lâchant un vague rire, plus nerveux que de réel amusement, je laisse à nouveau quelques petites secondes se passer et reprend avec un ton plus sérieux, voir méthodique.

"Vous devriez rester groupés. Vous êtes piégés dans une salle scellée par confinement donc surement hermétique. J'ai cru voir une bouche d'aération, soit elle a été désactivée avec la quarantaine, soit elle est active. Dans les deux cas, je vous suggère de vérifier que votre tenue et boucher toute possible ouverture. On ne sait pas ce qu'il s'est passé dans ce bunker alors ne tentons pas le diable. Essaie d'orienter la caméra vers l'aération, on sera tes yeux pour cet accès."