08h01 - 19/12/2021
Bunker A - Compartiment

Cela faisait pratiquement dix mois que la catastrophe ayant transformé notre monde avait eu lieu. Aux Etats-Unis, lorsque les informations la concernant nous était parvenu, le gouvernement avait joué la prudence et la sérénité, pour tenter de rassurer les populations. Bienheureusement pour moi, j'avais trouvé ce discours faux, et j'étais resté au courant des actions du Bunker de la ville, le fameux Bunker A. Seulement quelques jours après l'annonce du cataclysme russe, celui-ci ouvrit ces portes pour accueillir sans distinction la population qui souhaitait s'y réfugier. Sur le coup, je n'avais pas hésité une seconde et avait même tenter de convaincre mes collègues de travail que c'était la meilleure solution. Contrairement à moi, il faisait toujours confiance à leur gouvernement. Cette décision de leur part fut payé le prix fort... La mort. Même si je savais que nous n'étions pas le seul bunker du pays, je ne les pensait pas vivants. Cela pouvait semblait plutôt cruel de dire cela, mais je ne voulais pas me bercer d'illusions qui, ne ferait que du mal.

C'est avec ces pensées des plus macabres que je me réveillais ce matin là... Exceptionnellement, je décidais de ne pas aller m'entrainer aujourd'hui. Je me sentais las et n'avais pas la motivation nécessaire pour mener à bien mes exercices quotidiens. Je préférais rester sur ma couchette. Presque dix mois maintenant que j'avais décidé de prendre des risques pour mon bunker, en demandant une affectation en tant qu'Outsider Eclaireur, mais que les hauts-placés ignoraient les efforts quotidiens que je mettais en œuvre pour qu'il me retienne lors d'une mission. Je n'avais pas pour habitude de me laisser abattre par ce genre de choses, mais visiblement ce n'était pas ma journée. Immobile durant les heures qui suivirent, la matinée passa s'en que je ne m'en aperçoive. La faim eu finalement raison de moi et je me levais enfin alors que mon ventre gargouillais bruyamment. Je troquais ma tenue de nuit pour mon débardeur, jean et bottes de sécurité, le tout sans oublier les chaussettes ainsi que ma veste en cuir.

Alors que je terminais de m'habiller, il était environ onze heures et demie. Une fois sortis du compartiment, je trouvais les couloirs relativement désert, chose presque normal à cette heure là, puisque tout le monde devait être en train de travailler ou de manger. Mais cela me donna, une fois de plus, l'impression que j'étais inutile au sein de ce bunker. Je me refermais sur moi-même encore davantage lorsque je formulais cette pensée... Vraiment une journée de merde en perspective. Je trouvais malgré tout les ressource pour aller au réfectoire, me faisant la réflexion qu'un squelette ne leur serait encore moins utile que je ne l'étais actuellement. La file d'attente étant bondée, je mis vingt minutes supplémentaires pour atteindre l'emplacement où l'on prenait son plateau. Au menu, une purée de légumes et des morceaux de viandes douteux... Rien de mieux pour se remettre d'une dépression passagère. Arrivant devant le cuistot, je lui indiquais que je ne souhaitais que la purée, espérant en mon fort intérieur qu'elle serait comestible. Car oui, les légumes et moi, c'est pas le top, mais comme les médecins disent, manger équilibré pour garder la forme. Une fois ma plâtrée récupérée, je balayais le réfectoire du regard pour trouver une place où me mettre.

La majorité des tables étaient complètes et le brouhaha ambiant était insupportable. M'avançant au travers des rangées, je remarquais finalement une table occupée par seulement une personne, légèrement à l'écart. J'aurais préférais être seul mais je décidais de me contenter de cela. Alors que je me rapprochais, je reconnus la jeune femme qui se tenait. La crinière couleur neige, je l'avais déjà aperçu à quelques reprises au sein du bunker. Majoritairement à la salle d'entrainement d'ailleurs, j'avais remarqué qu'elle avait une silhouette très élancée malgré sa "petite" taille. Non pas qu'elle soit le soit vraiment mais j'avais estimé avoir pratiquement une tête de plus qu'elle. Alors que je me faisais ces réflexions, j'arrivais à son niveau et je lui demandais " Excuses moi ... Je peux m'installer là ? " En tout et pour toute réponse, je n'eus qu'un regard furtif et un hochement de tête. Elle décala ensuite légèrement son plateau, et je m'installais en face d'elle.

Avant de commencer à manger, j'observais quelque peu son visage. Son teint pâle trahissait des origines autres qu'américaine, mais je n'aurais su donner une localisation exacte, sans doute dans le nord. Canadienne peut être ? Bah cela n'avait guère d'importance. Me concentrant plutôt sur ces traits, je les trouvais plutôt prononcés ce qui me fit penser aux miens, car il en ressortait une impression de grande sévérité. Ses yeux verts avaient un éclat des plus singuliers, qui montraient à eux seuls une grande force, ainsi qu'une détermination à toutes épreuves. Ce tableau était seulement altéré par une cicatrice plutôt impressionnante, partant de son œil gauche, glissant sur sa joue avant de rejoindre la coin de sa mâchoire. Au final, je la trouvais plutôt sympathique, première chose de positive de la journée.

Je reportais finalement mon attention à mon assiette et plongeait ma fourchette dans la purée, avant de la ramener à ma bouche. Le goût n'était vraiment pas au rendez-vous. Je soupirais malgré moi, mais n'ayant rien d'autre de mieux, je me forçais à continuer. De son côté, la jeune semblait ne pas être très intéressée aussi par son assiette, la tête posée dans la paume de sa main, le coude sur la table. Bien qu'elle ne semble pas enclin à trop parler, je tentais de nouer un peu de discussion : " Bonjour, la grande cuisine hein ? C'est pas avec ça qu'on aura la force de sortir à l'extérieur. Enfin... " Je reprenais une autre bouchée. Après coup, je réalisais que je ne savais pas réellement qui elle était une mais j'en étais venu à parler naturellement sans me présenter. Comme pour me rattraper, je rajoutais " Moi c'est Fisher, Eclaireur. Même si j'attends toujours ma première affectation... Sinon j'ai eu l'occasion de t'apercevoir quelques fois à l'entrainement, t'es aussi une Outsider ? " En fin de compte, je n'avais fait que déblatéré une discussion qui semblait, même pour moi, bien futile. J'espérais qu'elle ne me rembarrerais pas, mais je réalisais un peu plus que j'étais complètement à côté de mes pompes depuis ce matin...

12h16 - 19/12/2021
Bunker A - Réfectoire

Se redressant, elle répondit à mes questions : " Exact oui. Il me semble que c'est également là bas que j'ai déjà du te voir. Enchantée. Je suis Leo Edvardsen, Outisder Médecin. " Elle garda le silence une demi seconde avant de reprendre : " J'ai donc déjà eu l'immense privilège de retourner à la surface. "

Leo Edvardsen. J'avais pensé que son teint pâle montrait son appartenance à un pays nordique, mais là, son nom ne faisait que renforcer cette idée. Immédiatement après, beaucoup de questions me vinrent à l'esprit. D'où venait-elle, Comment avait-elle fait pour rejoindre le Bunker A, Qu'est-ce qui l'avait mené aux Etats-Unis, Quel âge avait-elle, et encore beaucoup trop d'autres pour que je puisse toutes les citer. Mais je savais que l'assaillir de toutes ces interrogations n'était pas une bonne chose. Même dans mon état actuel, qui semblait d'ailleurs s'être grandement amélioré depuis qu'elle avait satisfait ma curiosité, je ne pouvais me résoudre à faire cela. Mon bon sens reprenait le dessus, et cela n'était pas plus mal.

Reprenons depuis le début. Comme je le pensais, c'était une Outsider. Spécialisée Médecin, cela indiquait qu'elle avait une lourde responsabilité au sein de l'escouade, puisqu'en mission, elle avait entre ces mains la vie de ses camarades. S'ils venaient à être blessé, c'était de son ressort de les maintenir en vie, de part sa connaissance en médecine et les actions qu'elles réalisaient. Ce qui indiquait clairement que, malgré la jeunesse de ses traits, elle avait prouvé être doté d'une grande maturité, ainsi que d'un sang-froid exemplaire. Deux choses fondamentales, qui furent sans conteste l'une des raisons de son affectation à des missions extérieures. Ensuite, je la croisais souvent en salle d'entrainement, ce qui montrait qu'elle était assidue et appliquée quelque soit la situation. Le résultat de cela en était ce physique que je pouvais observer, très impressionnant, sans vouloir paraître sexiste, pour une femme et surtout aussi jeune. Rien qu'en me faisant ces réflexions, je me rendais compte qu'un fossé semblait me séparer des Outsiders "expérimentés", dans le sens où s'il était tous au moins aussi incroyable qu'elle, je comprenais la raison qui poussait les haut-gradés à me mettre sur le banc de touche.

A côté d'elle, mon expérience militaire semblait bien futile et mon handicap jouais vraiment contre moi. Enfin, je n'avais pas à me plaindre, sans cela, je me trouverais six pieds sous terre, certes en ayant reçu les honneurs de ma patrie, mais à quoi bon lorsqu'on est mort. Prenant le temps de la réflexion avant de dire à nouveau quelque chose, je reprenais quelques bouchées de ma purée. Car tant bien même j'étais tombé sur quelqu'un d'extraordinaire, je ne devais pas oublier la raison de ma venue, la nutrition de mon corps pour ce repas des plus fades. Quoique depuis le temps, je n'y faisais plus réellement attention, et ce malgré la remarque dites un peu plus tôt et qui m'avait servis à briser la glace. Finalement, j'avais trouvé de quoi éviter de faire en sorte qu'elle se referme sur elle-même par des questions désobligeantes et inappropriées. Plutôt que de s'intéresser à ces missions ou qui elle était avant d'arriver ici, autant voir si elle pourrait remarquer mes qualités en conditions "réelles". Car bien qu'on ne puisse affronter ce qui se trouvait à l'extérieur ici, nous avions toutes les infrastructures nécessaires pour nous y préparer à l'abri, au sein de ce bunker.

Mon idée était des plus simplistes, si elle venait à déceler un potentiel chez moi, peut être que cela me permettrait de rejoindre les missions que l'on m'avais si longtemps refusé. Mais en même temps, étais-ce la meilleure chose à faire, utiliser une personne que je venais juste de rencontrer, dans le but de réaliser un de mes objectifs ? Si elle s'en rendait compte, elle me jugerais comme quelqu'un sans scrupule, n'hésitant pas à se servir des autres avant de les jeter, une fois inutile, comme de vulgaires objets, chose qui était impardonnable puisque la confiance est la première vertu qui est censé relier les Outsiders, sans quoi la réalisation de missions difficiles ne serait pas possible. Au bon sang, me revoilà au point de départ. Finalement, je préférais quand j'étais un peu moins bien, au moins, je ne n'avais pas autant réfléchis avant de lancer la conversation, j'avais uniquement était naturel. Chose que je ne parvenais à refaire maintenant... Voici l'absurdité que je suis. Incapable de tenir une conversation en présence d'une personne importante. Car oui, à mon sens, les Outsiders sont au moins autant nécessaires, si ce n'est pas plus, que les haut-gradés à ce bunker, donc importants.

Finalement, je ne poursuivais pas la discussion pendant quelques minutes, alors que je l'avais moi même engagé, chose qui du laisser comme un froid dans l'air pour la jeune femme. Enfin... Soupirant bruyamment, je soufflais : * En même temps, en quoi je suis comparable aux autres Outsiders, si ça se trouve, je suis bon dernier sur la liste de leurs de recrues à promouvoir pour leur première mission... * Je ne savais pas réellement si j'avais parlé suffisamment fort pour qu'elle m'entende mais bon. Je plongeais à nouveau ma fourchette dans la purée. Alors que j'aurais du la remonter pour en avaler le contenu, je fixais la jeune femme et lui demandais sur un ton maussade : " Dis, est-ce que tu penses que je pourrais faire un bon Outsider ? " La question n'en était pas vraiment une, surtout que je voyais mal en quoi elle pourrait y répondre étant donner qu'elle ne me connaissait absolument pas, mais bon le retour de ma dépression avait zappé le bon sens que j'avais cru retrouver un peu plus tôt.

12h24 - 19/12/2021
Bunker A - Réfectoire

" Et moi ? Est-ce que j'en suis une selon toi ? " Réponse pratiquement donné du tac au tac, je ne savais quoi y répondre et avant que je me ressaisisse, elle enchaîna : " Tu ne pourrais appuyer ton avis que sur ce que tu vois maintenant, car je doute que tu en saches beaucoup plus sur moi, et je ne peux faire que la même chose. " Suite à sa question, elle prit le temps de se redresser, déposer son couvert avant de poser ses coudes sur la table, et finalement sa tête sur ces paumes jointes. Son regard de jade fixé sur moi, j'avais l'impression qu'elle essayait de lire en moi. Je pouvais y sentir une intensité toute particulière, chose qui rendait son regard encore plus perçant.

Et finalement, elle continua : " Mais je pense que tu as plusieurs des qualités requises. Tu sembles avoir le souci de bien faire, chose qui se remarque par ce temps de réflexion, ces questions que tu te poses autant que par le temps que tu consacres à t'entraîner. Ces mêmes entrainement, de ce que j'ai pu voir, montrent une rigueur et une détermination tout aussi importantes. Tu es aussi polyvalent, je crois t'avoir vu tant au stand de tir qu'à t'entraîner pour le corps à corps. Et dans les deux cas, tu sembles savoir bien assez te débrouiller pour pouvoir retourner à la surface. " Sidéré qu'elle est pu en deviner autant sur moi sans ne m'avoir approché précédemment, j'en restais totalement sans voix. Elle pencha la tête de côté avant de rajouter : " Les différents autres facteurs pouvant encore influencer seraient ta capacité à travailler en équipe, et de ça je ne peux pas vraiment juger. Toutefois il ne me semble pas t'avoir vu refuser le contact une seule fois, tout comme refuser de venir en aide à quelqu'un. Pour le moment avec tout ça, je ne vois pas ce qui t'en empêcherait. " Lorsqu'elle termina sa réponse, je dus me faire violence pour ne pas la regarder bouche bée.

En fin de compte, j'avais vu juste sur quelques points essentiels la concernant. Sa maturité, ainsi que son sang-froid. Alors que n'importe qui aurait pu être trop interloqué par ma question et n'aurait pu y donner une réponse correcte, elle avait d'abord chercher à voir en quoi je me trouvais inférieur, en retournant la question initialement posé contre moi. Ainsi, elle me faisait remarquer que nous ne nous connaissions pas et que le jugement que j'avais fait d'elle était uniquement basé sur des déductions que j'avais pu faire via ce qu'elle avait dit ou fait. Appliquant alors cette même méthode, elle avait décortiqué une bonne partie de ma personnalité sans aucun problème. Elle avait ensuite parlé de ce qu'elle ne pouvait juger de part son manque d'informations, mais qui lui semblait être essentiel pour être un bon Outsider. Malgré cela, elle avait statuait sans aucune hésitation sur mon cas. Et sa réponse était des plus encourageantes.

Remis de ma surprise, je me sentais soulagé, comme si elle m'avait lavé de tous ces doutes qui me tracassais depuis le début de la matinée. Respirant un bon coup, j'avais l'impression d'être un nouvel homme. Fini l'indécision, place à l'action. Tel devait être mon credo à l'heure qu'il est. En effet, le fait de ne pas être sélectionné aujourd'hui pour une mission ne voulait pas dire que je ne participerais pas à la suivante. Et c'était tous les jours que je devais continuer à faire les efforts nécessaires pour m'améliorer et faire entendre parler de moi. Regardant la jeune femme, je ne pus m'empêchais de rigoler : " Je te remercie pour cette réponse sincère. Saches qu'à partir d'aujourd'hui, je t'en dois une. Donc si jamais tu venais à avoir besoin de quelqu'un, n'hésites pas à me faire appeler. Tu me trouveras au Compartiment 16. Ah et d'ailleurs, mon prénom c'est Morgan. " Après quoi, je finissais rapidement mon assiette et me levais. " J'espère qu'on se reverra, que ce soit au bunker ou en mission. Mais soit assurée que maintenant, je me donnerais à fond, sans douter de moi, quelque soit les épreuves que je rencontre. De ton côté, change rien, t'es géniale. " Tout sourire, je la saluais et me dirigeais vers l'endroit où l'on posait son plateau.

Maintenant, direction la salle d'entraînement !