6 mois avant

ft. KK's le KasseKouile's

C'est la dernière fois. C'est la dernière fois et il le sait.

Il se tient devant le bunker, debout, entre l'enfer et l'apocalypse. Plus d'oxygène, plus de soleil, plus de vie. Que la mort, le poison et l'ombre. Il est déjà entré dans l'enfer du bunker, c'est plus agréable que l'apocalypse. Il a un masque, il respire, il vit encore. Il a marché sur les corps à l'aller et au retour, est passé devant les agonisants suppliants et a frappé ceux qui accrochaient son pantalon.

Pierrot a récupéré ses dernières affaires, celles qu'il avait laissées en partant la première fois. Avec son masque, il a eu le temps de les rechercher avant que le bunker ne ferme définitivement. Mais maintenant, c'est la dernière fois qu'il foule ce sol pollué en tant que citoyen libre. Il devient survivant.

Ce constat lui laisse un goût amer en bouche.

Bruyant. Il est bruyant celui qui s'approche derrière. Pierrot n'a pas peur, il reste là, planté, prêt à tout mais surtout à rien. Il ne craint pas les survivants et encore moins les bandits. Il attend que cet individu perturbant ne le dépasse, ne se poussant pas, agacé déjà par ce vacarme nuisant à son silence.

Le frottement du tissus sur le dos de sa valise lui fait mal aux oreilles. Il grimace. Il grimace et il grogne. Un peu. Pas beaucoup. Comme un animal.

Le roux l'agace, qu'est-ce qu'il l'agace. Il marche tout droit, il s'enfonce, il se fiche de savoir si Pierrot est fâché. L'écho de ses pas le dérange.

Alors Pierrot avance. Un pied après l'autre. Il ne marche pas normalement, il choisit très bien où il pose ses pieds. Il pose ses pieds là où l'autre a posé les siens, parce que l'étranger n'a pas le droit de souiller sa paix auditive. Il marche dans ses pas et il fixe sa chevelure trop rouge. Trop rouge pour qu'elle l'agace. Mais il lui tient quand même rigueur du bruit. Les roulettes de sa valise en font du bruit mais il aime ce bruit qui suit ses pas. Il se rapproche. Encore.

Il marche sur l'arrière de sa chaussure crade, sur son talon, il sait que ça fait mal et surtout il sait que ça peut faire chuter. Et si sa chevelure rouge s'étale sur le sol ce sera joli.

6 mois avant

ft. KK's le KasseKouile's

Un roux qui plonge, comme un poisson rouge dans l'eau. Un poisson rouge qu'on a un peu trop laissé à l'extérieur et qui manque d'oxygène. Un poisson qui veut respirer. Un poisson rouge que Pierrot veut voir haleter bruyamment encore un peu, même si ça lui fait mal aux oreilles. Parce que le rouge de ses écailles est plus joli quand il halète. Un poisson coincé. Il est beau, le poisson coincé.

Mais visiblement, il a pas assez traîné dehors. Malgré son T-Shirt abîmé et tâché, son air épuisé, la fatigue qui se lit à travers tous ses mouvements et ses traits. Pierrot ne s'attend pas à la réponse. Jamais. Il commencera à y songer. C'est ce qu'il se dit quand il sent le sol se dérober sous ses pieds et un coup enfoncer son masque sur son visage. Quelle brute. Il a l'air plus féroce maintenant.

Il sent ce pied qui appuie sur son torse. Ce pied qui le pousse contre les arrêtes coupantes de l'escalier. Il aimerait lui y mettre sa face à cet imbécile. Et la faire glisser de tout son long sur une quinzaine de marches.

Il retire son masque, il le fixe de ses yeux bleus, capte ses pupilles gorgées de haine. Il aime voir la haine, mais il préfère la peur. Pierrot, ça l'agace de pas voir la peur. Il veut la sentir aussi, la voir dégouliner par tous les pores de la peau du rouquin. Tous les pores. Et il veut entendre sa voix trembler, supplier, haleter.

Il ne prend même pas le temps de viser et le masque touche sa face de petit emmerdeur en plein nez. Ça va couler. Il en profite pour se redresser et il le pousse. Fort. Il n'a pas peur, le roux est suffisamment con pour s'accrocher à sa vie de survivant, il ne se laissera pas crever après avoir dégringoler quinze marches. À moins que cela ne soit vingt ? Parce qu'il est descendu bien bas quand même. Pierrot contemple sa chevelure rouge écrasée sur une marche. Il sourit.

6 mois avant

ft. Kas'Noisette

Une tignasse rousse qui vole, une tignasse rousse qui tombe, une tignasse rousse qui souffle. Comme un fauve qui se bat, qui souffre, un fauve qui meurt. Sans s'en rendre compte, Pierrot est descendu d'une, de deux, de trois marches. Il descend, comme attiré par cette touffe flamboyante qui lui brûle les yeux. Il s'arrête néanmoins, lâche sa valise qu'il avait saisie à nouveau, quand le roux remonte.

Il lui aurait bien lancé un autre projectile. Plus gros. Plus lourd. Mais le pauvre titube déjà. Il ne va pas le casser quand même, il a les cheveux rouges.

Alors il attend, que le pauvre le rejoigne, sourit devant son air perdu, son air malade. Il aime le voir souffrir. Il aime ça. Pierrot l'attend de pied ferme, il veut le voir de plus près.

Il est grand, le bougre. Il a sa taille, même une marche plus bas. Pierrot reste impassible, souriant, froid, terrifiant. Il fixe ses yeux verts de poisson rouge et il le trouve intéressant. Il ne le trouve pas beau, parce qu'il ne pleure pas, il ne crie pas et il n'a pas peur. Mais il le trouve intéressant. Et il se fait avoir, encore une fois.

Il se maudit. Un peu. Parce que ça fait mal. Il n'est pas du genre fillette mais il a vraiment mal partout. Quand il repense à son air haineux. Il était trop près. Il était trop près parce qu'il avait pu voir ses cheveux rouges se soulever sous son souffle. Non pas que cela ne soit pas joli, mais il avait vraiment été trop proche. Il ne devrait plus s'approcher autant. QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE ROUX SUR SON CORPS ? Ça va pas du tout. Du tout. Du tout. Il est trop proche. Trop proche. Il le touche. Pierrot a un homme sur lui. Qu'il s'en aille. Pourquoi il lui parle encore ? Qu'il s'en aille.

- Tire-toi.

Pierrot n'aime pas parler. Ça lui fait mal à la tête. Mais il ne peut pas taper. Il ne peut pas se lever non plus. Il ne veut pas que ce bougre sente ses muscles se contracter sous lui. Il ne veut pas qu'il le sente, ni qu'il le touche. À la limite, il veut bien qu'il le frappe, tant qu'il se tire.

6 mois avant

ft. Kas'Noisette

Il lui cracherait dessus s'il le pouvait. Il est dans cette position aussi gênante qu'humiliante, par sa faute. Sa faute. Sa chute l'a un peu étourdi mais dès qu'il se lève, il le démonte. Littéralement. Il lui crève son unique œil restant s'il le faut, mais il lui fera passer l'envie de s'allonger sur lui comme ça. C'est la première fois que quelqu'un se permet un tel irrespect envers lui et ce serait la dernière fois. Pourquoi il bouge pas l'enfoiré ? En plus il lui casse les oreilles à brailler comme un gosse. Il arrête pas de gesticuler, on dirait un vermisseau. Il n'aime vraiment pas le sentir contre lui.

Quand enfin il se lève, Pierrot peut à nouveau respirer normalement. Il le regarde saigner avec une certaine satisfaction. Il a pas fini de perdre son hémoglobine c'ui là. Il se redresse sur ses coudes et constate qu'il est à peu près entier, rien de grave. Le contraire ne l'aurait pas arrêté plus que ça. Il fixe l'autre roux avec une folle envie de lui faire bouffer ses cheveux. Puis quand il se baisse pour ramasser son masque, il se dit que cela aurait été un bien bon timing pour lui envoyer son pied dans l'cul. Mais il est toujours allongé là comme un con, attendant que son envie se fasse trop grande pour la contenir. Il se retient et il n'est pas sûr d'avoir bien compris ce qu'il vient d'entendre. Par contre il a bien vu, ça il en est sûr : le connard a quelque chose à reprocher à son apparence. À la limite, son ventre il s'en tape, son dos pareil, ses fesses un peu moins, mais son visage il laissera pas passer. Pas aujourd'hui et encore moins demain.

L'autre roux est déjà à mi-chemin vers la porte. Le déserteur. Lâche. Faible. Pierrot se lève et il laisse le masque tomber par terre. C'est trop léger, trop inoffensif. Il se penche à peine vers sa valise ouverte sur le sol, qui n'a pas résisté à son passage sur les marches métalliques. Fouillant parmi les vêtements, il ne fait même pas attention. Par le manche, par la lame, c'est la même chose. Enfin pas tout à fait, il aime sentir le métal froid sur le bout de ses doigts. Ça lui calme les nerfs. Les cheveux roux de la fillette devant la porte l'appellent. Il aime bien lancer sa hache, surtout sur les belles cibles. Mais la porte s'ouvre et sa cible vacille soudain, se laissant faiblement tomber sur le sol. Pierrot, la hache levée, prêt à trancher l'air, regarde l'homme qui vient de sortir avec un air sournois. Ça aussi c'est une belle cible.

Pierrot reste tendu comme un arc, sa hache pesant lourdement sur son poignet lui laissant deviner les dégâts à l'impact. Tout le monde baisserait son arme et ses yeux devant un haut-gradé, mais pas Pierrot face à Lukas, au contraire, il la lèverait plus haut. Vers la tête. Inutile pour Lukas de dire un mot, ses yeux parlent et son corps aussi. Des yeux qui lui ordonnent de se calmer, qui l'insultent gravement en lisant sous son maquillage comme s'il n'était pas là, des yeux qui parlent à l'autre, à Ni-ko-las. Pierrot le sait, si le père Collins avait ouvert la bouche, il l'aurait appelé Ni-ko-las, parce que Lukas espérait asseoir son autorité sur tout le monde et surtout sur Pierrot. Et pourtant, son corps est aux aguets parce qu'il est très conscient qu'il ne gère pas du tout la situation. Ni aucune d'ailleurs tant qu'il y a Pierrot. Il a bien raison.

La hache s'envole. Lukas l'évite, bien évidemment, il s'y attendait. Et puis Pierrot aussi s'y attendait. Et il s'attendait aussi à ce que Lukas s'approche pour le ramener à l'intérieur par la peau du cou. Qu'à cela ne tienne, il le frappe. Il n'est personne pour lui. Une droite au visage et voilà que son air autoritaire s'en est en allé. Le voilà le père froid, le père haineux. Il préfère voir ça que la pseudo-autorité ou le pseudo-paternalisme qu'il lui sert d'habitude. Le plus vieux s'approche et d'un tour de main, il lui entrave les poignets avant de le faire tomber au sol d'un simple mouvement du pied. Pierrot voit rouge, il veut se relever et le frapper encore. Mais il entend les autres arriver, et il ne seront sûrement pas aussi bienveillants que Lukas.

Alors il attend sagement que les intrus s'occupent de brancarder ce faible de roux. Enfin seul avec Lukas. Celui-ci lâche lentement ses poignets et s'écarte vivement. Pierrot se relève et le toise.

- Rassemble tes affaires, dépêches-toi.

Il se tourne et se dirige vers le bunker. Mais Pierrot ne l'entend pas de cette oreille. Il se jette sur son dos et le fait tomber en arrière, puis se met à le frapper à nouveau. Il a à peine le temps de lui asséner quelques coups qu'il sent le canon froid d'une arme dans son dos et une voix qui lui demande d'arrêter. Une voix peu assurée cela dit, loin du calme de son père. Il le regrette d'ailleurs, cette fois encore il n'aura pas vu la peur dans son regard. Alors il se lève, regarde Lukas se relever aussi, plus difficilement. Celui avec l'arme, il tremble. Il tremble, mais pourtant il fait le malin.

- Ça passera pas cette fois, ce gamin est fou, il faut le faire soigner.

Devant le sourire insolent de Pierrot, Lukas prend l'arme des mains de l'homme et s'adresse à lui d'un ton très hautain.

- Tu n'as pas de commentaire à faire. Ramasse sa valise et ramène la au -4ème.

Il se retourne ensuite vers Pierrot pour lui annoncer qu'il aura des problèmes, mais Pierrot est déjà parti.